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Numéro
11 Le clan de Christophe Honoré : Benjamin Biolay

Le clan de Christophe Honoré : Benjamin Biolay

Cinéma

Depuis ses débuts en tant qu’auteur il y a une dizaine d’années, la liberté radicale de Christophe Honoré s’est affirmée au cinéma comme dans ses mises en scène au théâtre et à l’opéra. Nouveau pavé dans la mare, le film “Chambre 212” mise sur une théâtralité appuyée, servie par un casting de rêve. Toute la semaine, Numéro infiltre le clan de Christophe Honoré et dresse un portrait intime de ses membres. Aujourd’hui : Benjamin Biolay.

Manteau croisé en laine et cachemire, tee-shirt en jersey de coton et pantalon en coton, Berluti.
Coiffure : Perrine Rougemont chez Caren. Maquillage : Sandrine Cano Bock chez Artlist. Assistante réalisation : Laura Perros. Set design : Marie Malterre. Numérique : Marine Grandpierre. 
Retouche : Georges-Emmanuel Arnaud. Production : Gallois Montbrun&Fabiani. Manteau croisé en laine et cachemire, tee-shirt en jersey de coton et pantalon en coton, Berluti.
Coiffure : Perrine Rougemont chez Caren. Maquillage : Sandrine Cano Bock chez Artlist. Assistante réalisation : Laura Perros. Set design : Marie Malterre. Numérique : Marine Grandpierre. 
Retouche : Georges-Emmanuel Arnaud. Production : Gallois Montbrun&Fabiani.
Manteau croisé en laine et cachemire, tee-shirt en jersey de coton et pantalon en coton, Berluti.
Coiffure : Perrine Rougemont chez Caren. Maquillage : Sandrine Cano Bock chez Artlist. Assistante réalisation : Laura Perros. Set design : Marie Malterre. Numérique : Marine Grandpierre.
Retouche : Georges-Emmanuel Arnaud. Production : Gallois Montbrun&Fabiani.

Depuis vingt ans, la voix et les mélodies de Benjamin Biolay se sont immiscées dans notre quotidien, de son Jardin d’hiver composé avec Keren Ann pour Henri Salvador à ses somptueux albums personnels comme La Superbe ou Palermo Hollywood. Ce qui émerge un peu plus chaque année, c’est aussi la place considérable prise dans sa vie artistique par sa carrière d’acteur. En vingt-cinq films, Biolay a imposé une présence, une délicatesse d’homme las, une forme de naturel mélancolique et bourru. Didine, de Vincent Dietschy, avait rendu très vite évidente sa présence dans le spectre du cinéma d’auteur français. Récemment, son rôle dans La Douleur d’Emmanuel Finkiel a attiré les regards. De quoi donner à l’intéressé la certitude que les plateaux constituent aussi son territoire. “J’ai dépassé le symptôme de l’imposteur, car de grands metteurs en scène m’ont fait confiance. Mais, quand j’arrive sur un film, j’ai toujours cette angoisse du nouveau à la rentrée scolaire. J’ai bien connu ça lorsque, gamin, je changeais de conservatoire : il y a toujours un moment où tu te demandes ce que tu fous là, quand les gens se connaissent depuis des années.

 

 

“Je ne peux pas supporter de voir vingt potes débarquer, ou quelqu’un bouffer un sandwich, par exemple, pendant que je joue la comédie ou que je suis au piano. Christophe, c’est pareil.”

 

 

Admirateur de Cary Grant (“On dirait un prince qui garde sa superbe en toutes circonstances, même quand il se bat, il est classe”), Biolay le séducteur a construit une figure atypique, que son travail au cinéma fait ressortir par effet de loupe. “Je n’ai jamais ressenti le besoin de faire le Olivier Marchal en me grattant les couilles, ni d’exprimer une puissance masculine. Dans la musique, au début, je faisais même l’inverse, je murmurais...” L’imaginaire de la musique ne traîne jamais loin quand Benjamin Biolay investit le cinéma. Et l’inverse est vrai aussi. Un certain art du déplacement et de l’aller-retour entre les deux s’est constitué chez lui en carapace. “Je pense que passer d’un monde à un autre, c’est le seul moyen de ne pas perdre trop de plumes. Cet après-midi, je retourne au studio d’enregistrement, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Je suis excité comme un gamin. Avec Christophe Honoré, on partage ce côté polymorphe. Lui, avec ses romans, ses pièces et ses opéras en plus des films, il se sent libre. On aime rester seuls sur notre radeau, à dériver tranquillement.

“Chambre 212” de Christophe Honoré

Les deux hommes ne se connaissaient pas avant de tourner Chambre 212, où Biolay interprète le mari du personnage de Chiara Mastroianni, qu’elle décide de quitter. Le tournage en studio – plutôt rare dans le cinéma contemporain – a provoqué chez lui un sentiment de familiarité. “Ce qui m’a vraiment plu, c’est l’idée d’être créatif tout le temps. Avec Christophe, le plateau devient un sanctuaire, comme la cabine d’enregistrement. Nous nous sommes retrouvés là-dessus et sur des petits ‘TOC’. Je ne peux pas supporter de voir

vingt potes débarquer, ou quelqu’un bouffer un sandwich, par exemple, pendant que je joue la comédie ou que je suis au piano. Lui, c’est pareil. Tout est purement artistique, dans une ambiance dédiée à la concentration et au quasi-recueillement. Quand il m’a proposé ce film, je me sentais un peu comme si on m’avait invité à une soirée qui était trop bien pour moi. Mais ça a été une telle magie artistique...

 

À force de traîner sur les tournages, un virus paraît s’être introduit dans le cerveau de Benjamin Biolay, qui explique avoir vécu celui de Chambre de 212 avec une attention nouvelle au travail de la mise en scène. “Je voyais tout, comme quand je fais de la musique. J’étais beaucoup plus alerte que d’habitude sur la question des changements d’axe de caméra, par exemple.” De quoi lui donner envie de passer de l’autre côté, pour réaliser son propre film ? “J’y pense, oui. Probablement en tant que coréalisateur pour commencer. Ce sera un film musical, car je crois qu’il faut toujours mêler ses passions. J’aimerais vraiment envoyer la patate sur la musique et avoir quelqu’un qui m’aide sur la mise en scène. C’est difficile, une comédie musicale. Le moment où ça part en chanson est ultra dur. C’est comme piloter une formule 1, il faut une subtilité folle. Je suis en train de commencer à écrire de façon empirique quelques saynètes, le gros de l’histoire, une poignée de chansons... Cela va s’assembler. Je n’hésiterai pas à faire lire et écouter mon travail à Christophe, parce qu’il n’est pas du tout vieux garçon. Si un personnage d’homme de 60 ans devient en cours de route une fille de 20 ans, pour lui, c’est possible, il n’y a aucun problème. C’est comme en musique : on avait prévu un piano-voix, et puis finalement on utilise des cordes... et à la fin, il n’y a même plus de piano. Il faut avoir ce côté un peu sale gosse.

 

 

Chambre 212, de Christophe Honoré, en salle.